Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
366
le kalevala

sanglote sur tes tempes, que j’exhale ma douleur sur ton front[1] ! »

La mère de Kullervo s’éveilla de sa tombe, et des profondeurs de la poussière elle dit : « Je t’ai laissé le chien Musti, afin que tu puisses aller avec lui à la chasse. Prends donc le chien fidèle et va dans les forêts sauvages, dans les sombres déserts, jusqu’à la demeure des vierges des bois vêtues de bleu, jusqu’aux portes de Havulinna[2], et là tu chercheras ta nourriture, tu demanderas le gibier nécessaire à ton existence. »

Kullervo, fils de Kalervo, prit son chien fidèle et se dirigea vers les forêts sauvages, vers les sombres déserts. Quand il eut fait un peu de chemin, il se trouva au même endroit, où il avait violé la jeune fille, où il avait déshonoré l’enfant de sa mère.

Tout y pleurait le sort de la chaste enfant, et le doux gazon, et le tendre feuillage, et les petites plantes, et les tristes bruyères. Le gazon ne verdissait plus, les bruyères ne fleurissaient plus, les feuilles et les plantes s’inclinaient desséchées sur l’endroit fatal où la vierge avait été violée, où le frère avait déshonoré sa sœur[3].

Kullervo, fils de Kalervo, tira son glaive au tranchant aigu ; il le regarda longtemps, le retournant dans sa

  1. Idiotisme finnois exprimant que Kullervo était sur la tombe de sa mère.
  2. Château construit en bois de sapin, demeure des vierges ou déesses des forêts.
  3. « Siin’itki ihana nurmi,
    « Aho armahin valitti,
    « Nuoret heinät helliteli,
    « Kuikutti kukat kanervan.
    « Tuota piian pillamusta,
    « Emon tuoman turmellusta,
    « Eikä nousnut nuori heinä,
    « Kasvanut kanervau kukka,
    « Ylennyt sialla sillä,
    « Tuolla paikalla pahalla,
    « Kuss’oli piian pillannunna,
    « Emon tuoman turmellunna. »