« — Que deviendra ton frère ? Qui protégera son avenir ?
« — Qu’il s’exténue, s’il le veut, dans le bois ; qu’il tombe mort au milieu du champ !
« — Que deviendra ta douce sœur ? Qui protégera son avenir ?
« — Qu’elle tombe, si elle veut, sur le chemin de la fontaine ; qu’elle meure en allant laver le linge ! »
Kullervo, fils de Kalervo, se disposa à partir ; il dit à son vieux père : « Adieu, maintenant, ô mon cher père ! Me regretteras-tu amèrement lorsque tu apprendras que je suis mort, que j’ai disparu du nombre de ceux qui vivent, que je ne fais plus partie des membres de la famille ? »
Le père répondit : « Non, certainement, je ne te regretterai pas lorsque j’apprendrai que tu es mort. Un autre fils me naîtra peut-être, un fils qui deviendra meilleur et plus sensé que toi. »
Kullervo, fils de Kalervo, dit : « Et moi non plus je ne te regretterai pas si j’apprends que tu es mort. Je me procurerai sans peine un père tel que toi, un père à la tête de pierre, à la bouche d’argile, aux yeux de baies de marais, à la belle barbe de paille sèche, aux pieds de saule branchu, à la chair de troncs d’arbre pourris[1]. »
Et il dit à son frère : « Adieu, maintenant, ô mon cher frère ! Me regretteras-tu amèrement lorsque tu apprendras que je suis mort, que j’ai disparu du nombre de ceux qui vivent, que je ne fais plus partie des membres de la famille ? »
Le frère répondit : « Non, certainement, je ne te regretterai pas lorsque j’apprendrai que tu es mort. Je
- ↑ Ces expressions étranges signifient que, pour Kallervo, un fantôme, comme celui qu’il décrit, lui tiendra lieu de père tout aussi bien que celui dont les sentiments à son égard se manifestent avec tant de froideur et de dureté. Il en est de même quant à son frère et à sa sœur.