Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
361
trente-sixième runo

« — Que deviendra ton frère ? Qui protégera son avenir ?

« — Qu’il s’exténue, s’il le veut, dans le bois ; qu’il tombe mort au milieu du champ !

« — Que deviendra ta douce sœur ? Qui protégera son avenir ?

« — Qu’elle tombe, si elle veut, sur le chemin de la fontaine ; qu’elle meure en allant laver le linge ! »

Kullervo, fils de Kalervo, se disposa à partir ; il dit à son vieux père : « Adieu, maintenant, ô mon cher père ! Me regretteras-tu amèrement lorsque tu apprendras que je suis mort, que j’ai disparu du nombre de ceux qui vivent, que je ne fais plus partie des membres de la famille ? »

Le père répondit : « Non, certainement, je ne te regretterai pas lorsque j’apprendrai que tu es mort. Un autre fils me naîtra peut-être, un fils qui deviendra meilleur et plus sensé que toi. »

Kullervo, fils de Kalervo, dit : « Et moi non plus je ne te regretterai pas si j’apprends que tu es mort. Je me procurerai sans peine un père tel que toi, un père à la tête de pierre, à la bouche d’argile, aux yeux de baies de marais, à la belle barbe de paille sèche, aux pieds de saule branchu, à la chair de troncs d’arbre pourris[1]. »

Et il dit à son frère : « Adieu, maintenant, ô mon cher frère ! Me regretteras-tu amèrement lorsque tu apprendras que je suis mort, que j’ai disparu du nombre de ceux qui vivent, que je ne fais plus partie des membres de la famille ? »

Le frère répondit : « Non, certainement, je ne te regretterai pas lorsque j’apprendrai que tu es mort. Je

  1. Ces expressions étranges signifient que, pour Kallervo, un fantôme, comme celui qu’il décrit, lui tiendra lieu de père tout aussi bien que celui dont les sentiments à son égard se manifestent avec tant de froideur et de dureté. Il en est de même quant à son frère et à sa sœur.