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le kalevala

« Si tu allais te battre contre une chèvre ou contre un bouc, la chèvre serait bientôt vaincue, le bouc serait bientôt renversé par terre[1]. Il suffit d’un chien, il suffit d’une grenouille pour te montrer le chemin de la maison[2]. »

Kullervo, fils de Kalervo, répondit : « Si je tombe sur le champ de bataille, je ne tomberai pas, du moins, dans la vase d’un marais, ni au milieu d’une aride bruyère, là où habitent les corbeaux, où se rassemblent les corneilles. Il est beau de mourir dans le combat, il est beau d’expirer sous les coups du glaive. La maladie de la bataille est glorieuse, elle terrasse l’homme comme la foudre, elle lui épargne le lit de douleur, elle l’enlève à la vie avant que ses forces soient épuisées[3]. »

La mère de Kullervo dit : « Si tu meurs dans le combat, que deviendra ton père ? Qui sera le soutien de sa vieillesse ? »

Kullervo, fils de Kalervo, répondit :

« — Qu’il tombe mort, s’il veut, au milieu des balayures du chemin, sur le sol de l’enclos de sa maison !

« — Que deviendra ta mère ? Qui sera le soutien de sa vieillesse ?

« — Qu’elle succombe, si elle veut, sous son fardeau ; qu’elle périsse étouffée dans l’étable !


    « Se soassa surmatahan,
    « Tapetahan tappelossa,
    « Miekkoihin menetähän,
    « Kalpoihinsa kauetahan. »

  1. La mère de Kullervo sous-entend ici le second terme de la comparaison, c’est-à-dire les ennemis redoutables que son fils se propose d’attaquer et dont il n’aura pas raison aussi facilement.
  2. La mère de Kullervo veut, par cette image, faire ressortir aux yeux de son fils les avantages du foyer domestique, vers lequel il est facile de se rendre pour en goûter les douceurs. Il n’est pas besoin d’un glaive pour s’en frayer le chemin.
  3. Ces expressions de Kullervo rappellent les sentiments des anciens guerriers scandinaves qui, lorsqu’ils ne succombaient point dans les batailles, se tuaient eux-mêmes, afin de ne point mourir dans un lit comme un homme vulgaire.