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trente-cinquième runo

« Rame de toutes tes forces, de toute la vigueur de tes bras, mais ne brise point le bateau, ne fais point voler sa quille en éclats. »

Kullervo, fils de Kalervo, rama de toutes ses forces, de toute la vigueur de ses bras. Il brisa le bateau, il en disloqua les ais de genévrier, il en fit voler la belle quille de peuplier en éclats.

Kalervo vint voir ce qu’avait fait son fils, et il lui dit : « Tu ne vaux rien pour ramer ; tu as brisé le bateau, tu en as disloqué les ais de genévrier, tu en as même fait voler la quille de peuplier en éclats. Va battre l’eau pour chasser le poisson dans le filet ; peut-être cette occupation te conviendra-t-elle mieux. »

Kullervo, fils de Kalervo, s’en alla battre l’eau, et il dit : « Dois-je battre l’eau de toutes mes forces, de toute la vigueur de mes bras, ou seulement avec modération et autant qu’il est absolument nécessaire ? »

L’homme qui levait le filet lui répondit : « C’est se montrer un méchant batteur d’eau que de ne point la battre de toutes ses forces, de toute la vigueur de ses bras. »

Kullervo, fils de Kalervo, battit l’eau de toutes ses forces, de toute la vigueur de ses bras, il la battit jusqu’à la condenser en vase épaisse, jusqu’à réduire le filet en étoupes, jusqu’à changer les poissons en pâte visqueuse.

Kalervo vint voir ce qu’avait fait son fils, et il lui dit : « Tu ne vaux rien pour battre l’eau ; tu as réduit le filet en étoupes, tu en as brisé le cadre, tu en as mis tous les coins en morceaux. Paye l’impôt[1] et va voyager, cela te réussira peut-être mieux. »

Kullervo, fils de Kalervo, Kullervo, le jeune homme aux bas bleus, à la chevelure d’or, à la belle chaussure, paya l’impôt, puis monta dans son traîneau et partit pour un long voyage.

  1. C’était une loi chez les anciens Finnois de se libérer vis-à-vis du fisc avant d’entreprendre un long voyage.