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trente-troisième runo

beurre d’or. Elle entendit retentir du fond du marais, des bords de la plaine lointaine les joyeux sons de la corne du berger. Elle éleva la voix et elle dit : « Maintenant, ô Dieu, sois béni ! la corne résonne, le berger arrive. Mais, où l’esclave a-t-il trouvé une corne capable de rendre des sons aussi joyeux, aussi éclatants ? Ils me déchirent les oreilles, ils me fendent la tête. »

Kullervo, fils de Kalervo, répondit : « L’esclave a trouvé la corne dans le marais, il l’a tirée de la mousse fangeuse. Mais, voici que le troupeau approche : hâte-toi d’allumer le feu et de venir traire tes vaches ! »

La femme d’Ilmarinen dit à sa vieille mère : « Va toi-même, chère mère, traire les vaches, va prendre soin du troupeau ; il faut que je reste ici à lui préparer sa pâtée. »

Kullervo, fils de Kalervo, dit : « Jadis une bonne maîtresse de maison, une habile ménagère trayait toujours elle-même ses vaches et prenait soin de son troupeau. »

La femme d’Ilmarinen alluma donc le feu, et se rendit dans l’étable pour traire les vaches. Elle jeta un regard sur le troupeau, elle l’examina avec soin, et elle dit : « Les bêtes sont belles à voir ; leur toison est lisse comme celle du lynx, leur duvet est fin comme celui de la brebis des bois ; leurs mamelles sont gonflées et riches de lait. »

Et elle se baissa pour les traire ; elle fit jaillir le lait une fois, elle le fit jaillir deux fois ; mais, au moment où elle pressait la mamelle pour la troisième fois, le loup se précipita sur elle, l’ours l’assaillit avec violence ; le loup lui arracha la mâchoire, l’ours lui dévora la moitié de la jambe et lui enleva le talon.

Ainsi Kullervo, fils de Kalervo, se vengea du mépris de la femme d’Ilmarinen ; ainsi Kullervo punit la méchanceté de sa perfide maîtresse.

L’orgueilleuse épouse d’Ilmarinen fondit en larmes amères, et dit avec angoisse : « Tu as commis une infamie, misérable berger, en amenant un troupeau d’ours