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trente-troisième runo

tira le pain que la femme du forgeron y avait placé. Il l’examina dans tous les sens et il dit :

« Beaucoup de pains ont une belle apparence ; la croûte en est lisse et brillante ; mais l’intérieur en est fait d’écorce de bouleau et ne renferme que des bourriers[1]. »

Et il tira son couteau de sa gaîne pour couper le pain. Le couteau heurta violemment contre la pierre, la lame aiguë fléchit et vola en éclats.

Kullervo, fils de Kalervo, regarda tristement la lame brisée et versa des larmes amères.

« Ce couteau était mon seul frère, sa lame mon seul amour. Je l’avais reçu jadis de mon père ; l’auteur de mes jours me l’avait donné. Et le voilà brisé, brisé contre la pierre, que ma perfide et ma misérable maîtresse avait cachée dans mon pain[2] !

« Comment me vengerai-je de cette femme ? Comment ferai-je expier à l’infâme son mépris insolent, ses dons trompeurs ? »

La corneille chanta, du fond du bois, elle dit de sa voix rauque : « Ah ! pauvre infortuné, beau bijou d’or, fils unique de Kalervo, pourquoi es-tu si triste, si désolé dans ton âme ? Coupe une branche dans les jeunes arbrisseaux, une verge de bouleau dans la forêt, et chasse les jambes crochues au fond du marais, disperse les vaches à travers la mousse humide ; livres-en une moitié aux loups, l’autre moitié aux ours.

« Oui, rassemble tous les loups et tous les ours ; change Pienikki[3] en loup, Kyyttä[4] en ours, et ramène-les à

  1. Proverbe finnois.
  2. « Yks’oli veitsi veikkoutta,
    « Yksi rauta rakkauta,
    « Isän saamoa eloa,
    « Vahemman varustamata,
    « Senki katkaisin kivehen,
    « Karahutin kalliohon,
    « Leipahan pahan emannän,
    « Pahan vaimon paistamahan. »

  3. Nom de vache.
  4. Nom de vache.