Et Untamo envoya un esclave pour s’en assurer. L’esclave rapporta cette nouvelle :
« Kullervo n’a point succombé, Kullervo n’a point trouvé la mort sur la potence. Il est là, un ciseau à la main, gravant sur l’arbre toute sorte de figures : des guerriers, des lances, des épieux ; le chêne en est entièrement couvert. »
Ainsi, Untamo se vit convaincu d’impuissance. Tous ses efforts pour perdre le terrible garçon avaient échoué ; Kullervo avait échappé à tous les piéges, rien n’avait réussi contre sa vie.
Ennuyé, fatigué de chercher les moyens de s’en défaire, Untamo dut se résoudre à garder le garçon dans sa maison, à traiter l’esclave comme un membre de sa famille.
Il lui parla en ces termes : « Si tu veux te bien conduire, si tu veux vivre tranquille et sage, tu peux rester dans ma maison et y travailler. Nous réglerons plus tard ce que tu dois gagner. Je te récompenserai suivant ton mérite : une belle ceinture pour ta taille ou un soufflet bien appliqué sur tes oreilles. »
Kullervo, devenu grand, fut donc mis au travail. On lui confia la garde d’un enfant, d’un petit enfant aux doigts délicats.
« Prends bien soin de ce petit enfant, donne-lui à manger souvent et selon sa faim ; lave ses langes dans la rivière, et tiens propres tous ses petits vêtements. »
Kullervo prit soin du petit enfant : le premier jour, il lui cassa les bras ; le second jour, il lui arracha les veux ; le troisième jour, il le laissa mourir de maladie : puis il jeta ses langes dans la rivière et brûla son berceau.
Untamo se livra à de profondes réflexions.
« Ce garçon ne vaut rien pour garder les petits enfants, pour bercer les doigts délicats. À quoi donc l’employer ? Quel ouvrage lui confier ? Peut-être réussira-t-il mieux à abattre les arbres d’une forêt et à la défricher. »