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le kalevala

parmi ceux que j’ai engendrés, va où je t’invite, où je t’exhorte à aller ; fais que le navire de l’audacieux, que le bateau de Lemminkäinen soit enchaîné par les glaces, sur la blanche surface de la mer, au milieu des golfes vastes et profonds ; fais aussi que l’audacieux lui-même y soit tellement cloué que, de tous les jours de sa vie, il ne puisse s’en détacher, il ne puisse s’en délivrer, si je ne viens, si je n’accours à son aide ! »

Le Froid, cet être de misérable origine, ce garçon dégradé dans ses mœurs[1], se mit en devoir de soumettre la mer à sa puissance, de suspendre la course des vagues. Déjà, lorsqu’il passait à travers les terres, les feuilles des arbres s’étaient fanées, les tiges de gazon s’étaient desséchées[2].

Quand il fut parvenu sur les bords, les bords immenses de la mer de Pohjola, il s’attaqua, dès la première nuit, aux golfes et aux lacs, il amoncela les glaces sur leurs rivages ; mais il ne monta point encore jusqu’à la haute mer, il ne toucha point encore à ses ondes ; un gracieux pinson voltigeait à leur cime, un hoche-queue s’y balançait ; et leurs ailes, et leur petite tête n’avaient rien perdu de leur chaleur.

Mais, la nuit suivante, le Froid déploya une violence terrible, une vigueur implacable ; il sévit sans pudeur ; les glaces s’élevèrent d’une aune, la neige tomba haute et drue ; et le navire de l’audacieux, le bateau de Lemminkäinen demeura immobile sur la mer.

Le Froid songea aussi à s’emparer du grand héros, à le geler sans merci ; et déjà il l’avait entrepris par les doigts et par les orteils ; mais Lemminkäinen éclata en fureur, et il le poussa dans le feu, il le jeta sur un tas de

  1. « Pakkanen pahan sukuinen,
    « Ja poika pahan tapainen. »

  2. « Jopa tuonne mennessansa,
    « Maata matkaellessansa
    « Puut puri lehettömäksi,
    « Heinat helpehettomaksi. »