Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
304
le kalevala

« Ainsi donc, c’est en vain que je suis allé, infortuné ! dans les demeures de Pohjola, dans les champs de Pimentola, me livrer aux combats du glaive, éprouver mes armes brillantes, je n’ai réussi qu’à précipiter la perte de ma famille, qu’à causer la mort de ma propre mère ! »

Lemminkäinen jeta les regards autour de lui. Il remarqua de légères traces de pas sur le gazon, des vestiges interrompus à travers la bruyère ; il chercha à les reconnaître et les suivit ; ils conduisaient au fond d’un bois, au fond d’un désert.

Quand il eut marché un certain temps, quand il eut franchi une courte distance, au milieu de ces espaces sauvages, il aperçut, à l’angle d’un massif chevelu, un réduit secret, une petite cabane enfoncée entre deux rochers, ombragée par trois sapins ; et là, il découvrit sa mère, sa douce et chère nourrice.

Lemminkäinen fut transporté d’une joie immense ; il éleva la voix et il dit : « Ô ma mère, ma bien-aimée mère, toi qui m’as engendré, qui m’as nourri de ton lait, tu jouis donc encore de la vie et de la santé ! Et cependant, j’avais cru que tu étais morte, que tu avais succombé sous les coups du glaive, que tu avais été massacrée par la hache. Oui, j’ai usé mes veux à pleurer, j’ai terni les brillantes couleurs de mon visage[1]. »

La mère de Lemminkäinen dit à son fils : « J’ai pu, hélas ! sauver ma vie, mais c’est en fuyant, c’est en me cachant dans ces déserts sauvages, dans ce sombre réduit de la forêt. Le peuple de Pohjola s’était armé contre toi, pauvre infortuné, et il a ravagé notre habitation, il l’a entièrement réduite en cendres. »


    « Liha mullaksi lahonnut,
    « Kuusset päalle kasvanehet,
    « Katajaiset kantapaihin,
    « Pahjut sormien nenahan. »

  1. « Itkin pois ihanat silmät,
    « Kasvon kaunihin kaotin. »