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vingt-neuvième runo

îles, le golfe, le port où il amarrait son bateau, tous les endroits qu’il fréquentait ; il reconnut les montagnes avec leurs pins, les collines avec leurs sapins, mais il ne reconnut point la place où se trouvait sa maison. Un bois de jeunes putiers murmurait là où se dressaient ses murs, un bois de pins murmurait sur la colline, un bois de genévriers sur le chemin du puits.

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli dii : « Voici le bosquet où je jouais, voici les rochers où je grimpais, voici les prairies, voici les champs où je folâtrais ; mais, qui donc a enlevé ma maison bien-aimée, qui a détruit ma belle demeure ? Le feu l’a dévorée, et le vent en a dispersé les cendres. »

Et le héros se mit à pleurer ; il pleura un jour, il pleura deux jours. Ce n’était point la maison qu’il pleurait, ce n’était point l’aitta qu’il regrettait, il pleurait, il regrettait sa mère, celle qui habitait la maison, qui prenait soin de l’aitta.

Il aperçut un aigle qui planait dans les airs ; il l’appela et lui dit : « Ô aigle, mon bel oiseau, pourrais-tu me dire où se trouve ma mère, où se trouve ma douce et bien-aimée nourrice ? »

L’aigle ne se souvenait de rien, le stupide oiseau ne savait rien. Il pensait qu’elle devait être morte, qu’elle avait succombé sous les coups du glaive, qu’elle avait été massacrée par la hache de guerre.

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli dit : « Ô ma douce mère, ô ma nourrice bien-aimée, te voilà donc morte, te voilà disparue de la vie ; ta chair est devenue poussière ; les sapins croissent sur ta tête, les genévriers sur tes pieds, les osiers sur la pointe de tes doigts[1].

  1. Manière de dire que ces arbres s’élevaient sur la tombe de la mère de Lemminkäinen.

    « Ohoh kaunis kantajani,
    « Jhana imetatjani !
    « Jo olet kuollut kantajani,
    « Mennyt ehtoiuen emoni,