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gues de la mer bleue ; il marcha un jour, il marcha deux jours ; mais, voici que le troisième jour, le vent se mit à souffler, les rivages de l’air à gronder ; la tempête s’élança violemment du nord-ouest ; elle saisit le navire par les flancs, et le précipita au fond de l’abîme.

Le joyeux Lemminkäinen fut entraîné lui-même, sur les mains, dans le tourbillon des vagues ; et il s’efforça de ramer avec les doigts, de battre l’eau avec les pieds.

Un jour, une nuit s’écoulèrent ; alors, il vit se lever au nord-ouest un léger nuage, et bientôt ce nuage se changea en terre, se dressa en promontoire.

Le héros se hâta d’y aborder ; il entra dans une habitation, et là il trouva une femme, il trouva des jeunes filles occupées à faire cuire le pain : « Ô chère hôtesse, si tu connaissais la faim qui me dévore, si tu soupçonnais ce que je désire, tu bondirais jusqu’à l’aitta, tu te précipiterais, telle qu’un ouragan, dans la chambre où l’on conserve la bière, et tu apporterais un pot de bière, tu apporterais de la viande de porc, tu la ferais cuire, tu y joindrais du beurre, pour rassasier l’homme fatigué, pour abreuver l’homme qui sort de la mer. J’ai nagé nuit et jour sur les vastes flots ; chaque coup de vent a été mon soutien, les vagues m’ont servi de planche de salut[1]. »

La bonne hôtesse se rendit dans l’aitta élevée sur la colline ; elle y prit du beurre, elle y prit un morceau de viande de porc qu’elle fit cuire, pour rassasier l’homme fatigué ; puis, elle apporta un pot de bière pour abreuver l’homme qui sortait de la mer. Enfin, elle lui donna un bateau, un bateau tout prêt à faire voile, afin qu’il pût reprendre la mer et arriver au terme de son voyage.

En abordant au pays de son enfance, le joyeux Lemminkäinen reconnut les lieux ; il reconnut les rivages, les

  1. « Joka tuuli turvananï,
    « Meeren aallot armonani. »