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vingt-neuvième runo

en trouver mille qui seraient à ma discrétion[1]. Je pars, moi Lemminkäinen, je pars, moi la fleur des héros, parce que je me sens pris du désir invincible de retourner dans mon propre pays, de revoir les fraises de mes bois, les baies de ma colline, les jeunes filles de mon promontoire, les colombes de mes domaines. »

Et le joyeux Lemminkäinen dirigea son navire vers la haute mer. Le vent souffla et précipita sa course, les vagues l’emportèrent sur la surface bleue des ondes, sur l’espace profond et immense.

Cependant, les tristes jeunes filles, les vierges désolées demeuraient sur les pierres du rivage, pleurant et se lamentant.

Les jeunes filles de l’île pleurèrent, les vierges du promontoire se lamentèrent aussi longtemps que le mât, aussi longtemps que le timon du gouvernail furent visibles à leurs yeux. Mais elles ne pleuraient point le mât, elles ne regrettaient point le timon du gouvernail ; elles pleuraient, elles regrettaient celui qui se tenait sur le navire, celui qui le conduisait à travers les flots.

Lemminkäinen pleura aussi, de son côté ; il pleura, il se lamenta aussi longtemps que l’île, aussi longtemps que ses montagnes furent visibles à ses yeux. Mais il ne pleurait point l’île, il ne regrettait point ses montagnes ; il pleurait, il regrettait les jeunes filles de Saari, les gracieuses colombes du promontoire[2].

Le joyeux Lemminkäinen fendait doucement les va-

  1. « Lähe en piikojen pvhyytta,
    « Enkä vain ojen vahyytia :
    « Saisin jos sataki naista,
    « Tuhat piikoa piellä. »

  2. « Itse itki Lemminkäinen
    « Sini itki ja sureksi,
    « Kunnes saaren maat näkyvi,
    « Saaren harjut haimentavi ;
    « Ei han itke saaren maita,
    « Saaren harjuja haloa,
    « Itki saaren impyitä
    « Noita harjuu hanhosia. »