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vingt-neuvième runo

réveilla qu’au chant du coq, et lorsqu’il était déjà trop tard pour se rendre chez la vieille fille, pour satisfaire aux vœux de la pauvre vierge[1].

Il se promit donc, un jour, il forma le projet, un soir, de quitter son lit beaucoup plus tôt, de se lever avant les hommes, avant le chant du coq.

Il devança l’heure qu’il s’était fixée, et se mit en route à travers l’île, pour aller porter la joie à la vieille fille, le plaisir à la pauvre vierge[2].

Mais, tandis qu’il marchait seul, pendant la nuit, à travers l’île, et qu’il parvint à l’extrémité du long promontoire dans le troisième village, il n’y aperçut pas une seule maison où il n’y eût trois chambres, pas une seule chambre où il n’y eût trois guerriers, pas un seul de ces guerriers qui n’affilât son glaive, qui n’aiguisât sa hache pour le compte de sa propre tête.

Le joyeux Lemminkäinen prit la parole et dit : « Voici donc le moment fatal arrivé ! Le doux soleil s’est levé sur moi, infortuné ! sur mon cou, pauvre malheureux ! Qui pourrait cacher un héros dans son sein, qui pourrait le protéger en le couvrant de son manteau, en l’enveloppant de ses vêtements, lorsque cent hommes se précipitent sur lui, lorsque mille guerriers ont conjuré sa mort ? »

Il n’y avait plus là de jeunes filles à embrasser, à étreindre dans ses bras. Lemminkäinen se dirigea vers son navire : le navire avait été brûlé, il n’en restait plus que du charbon et des cendres.

Alors, il comprit que le malheur le menaçait, que son jour suprême était proche. Il se mit à se construire un autre navire.

  1. Chez les Finnois, les prétendants qui vont demander la main d’une jeune fille habitant un village éloigné, se mettent ordinairement en route pendant la nuit, mais Lemnminkäinen n’était pas évidemment assez épris de celle dont il s’agit ici, pour lui faire spontanément le sacrifice de son sommeil.
  2. « Senki impyen ilohon,
    « Naisen raukan naurantahan. »