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point commencer son repas avant d’avoir un couteau d’or, un couteau au manche d’argent.

Il évoqua donc un couteau d’or, il se créa un couteau au manche d’argent ; puis il mangea tant qu’il lui plut, il s’abreuva de bière avec délices.

Alors, le joyeux Lemminkäinen se promena de village en village ; il fréquenta les jeux des vierges de l’île, les gaies réunions des jeunes filles. Partout où il tournait la tête, il recevait un baiser ; partout où il étendait la main, il y sentait une douce pression.

Pendant la nuit, pendant les heures ténébreuses, il courait les aventures. Il n’y avait pas dans l’île un village où l’on ne trouvât dix maisons, pas une maison où l’on ne trouvât dix jeunes filles. Or, parmi toutes ces jeunes filles, il n’y en eut pas une dont il ne partageât la couche, dont il ne fatiguât les bras[1].

Il séduisit mille fiancées, il dormit avec cent veuves ; on n’en compta pas deux sur dix, on n’en compta pas trois sur cent dont il n’eût joui, dont il n’eût abusé[2].

Ainsi, le joyeux Lemminkäinen passa voluptueusement trois années de sa vie, dans les grands villages de Saari ; il captiva toutes les vierges, il charma toutes les veuves. Une seule fut oubliée, une pauvre vieille fille, à l’extrémité du long promontoire, dans le dixième village.

Déjà, le héros songeait à partir, à regagner son pays. La vieille fille accourut et lui dit : « Cher Lemminkäinen, homme charmant, si tu ne veux point te souvenir de moi, je ferai en sorte, lorsque tu prendras la mer, que ton bateau se brise contre un rocher. »

Lemminkäinen se livra à un long sommeil ; il ne se

  1. « Kunk’ei vierehen venynyt,
    « Kasivartta vaivutellut. »

  2. « Tuhat tunsi morsianta,
    « Sa’an leskia lepäsi,
    « Kaht’ei ollut khymmenessä
    « Kolmea koko sa’assa
    « Piikoa pitamatöintä,
    « Leskea lepäamatöintä. »