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vingt-neuvième runo

gers ; si l’on y vit en paix, ou si l’on y est ravagé par la guerre ! »

Le vent gonflait les voiles, les vagues précipitaient la course du navire. Encore quelques instants, et le joyeux Lemminkäinen toucha les bords de l’île, la pointe extrême du promontoire.

Alors, il éleva la voix et il dit : « Est-il assez de place, dans cette île, pour que je puisse y aborder et tirer mon bateau sur le rivage ? »

Les jeunes filles du promontoire, les vierges de l’île répondirent : « Sans doute, il y a assez de place dans cette île pour que tu puisses y aborder et tirer ton bateau sur le rivage ; il y en aurait assez et tu y trouverais assez de rouleaux[1], lors même que tu arriverais avec cent bateaux, avec mille navires. »

Le joyeux Lemminkäinen fit glisser son navire sur les rouleaux, et le fixa sur le rivage. Puis il dit : « Est-il assez de place dans cette île pour qu’un pauvre diable puisse s’y cacher, pour qu’un homme faible puisse y trouver un refuge, pendant les horreurs foudroyantes de la guerre, pendant le terrible cliquetis des glaives ? »

Les jeunes filles de l’île, les vierges du promontoire répondirent : « Oui, sans doute, il y a assez de place dans cette île pour qu’un homme faible puisse s’y cacher, pour qu’un homme faible puisse y trouver un refuge ; nous aurions assez de grands châteaux, assez de vastes domaines, lors même que cent hommes, que mille héros viendraient nous visiter. »

Le joyeux Lemminkäinen dit : « Est-il dans cette île une place, un petit bois de bouleau ou tout autre endroit planté d’arbres, pour que je puisse entreprendre son défrichement et en faire un champ fertile ? »

Les jeunes filles de l’île, les vierges du promontoire

  1. Les mariniers finnois ont l’habitude, lorsqu’ils sont arrivés au port de leur village, de tirer leur bateau hors de l’eau et de le faire glisser, au moyen de rouleaux garnis de fer ou de cuivre, sur la terre ferme, où ils le laissent jusqu’à leur prochain voyage.