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vingt-huitième runo

rais moqué de toutes les filles, j’aurais tourné en ridicule cent femmes, mille belles fiancées. »

La mère de Lemminkäinen dit à son fils : « Que t’est-il donc arrivé, mon enfant ? Si tu n’as pas eu quelque funeste aventure, tandis que tu étais dans Pohjola, n’est-ce pas que tu t’es mis au lit après avoir trop mangé, après avoir trop bu, et que de mauvais rêves sont venus troubler ton sommeil ? »

Le joyeux Lemminkäinen répondit : « C’est l’affaire des vieilles femmes de s’inquiéter de ce qu’elles ont vu dans leurs rêves ! Je me souviens de mes rêves de nuit, mais je me souviens encore mieux de mes rêves de jour. Ô ma mère, ô ma vénérable mère, prépare, maintenant, mon sac de voyage, remplis de farine un petit sac de toile, remplis de sel un morceau de linge ; ton fils va partir, hélas ! il va quitter ce pays, cette maison bien-aimée, ce beau domaine : les hommes aiguisent leurs glaives, les héros affilent leurs lances. »

La mère de Lemminkäinen, celle qui l’avait enfanté avec douleur, se hâta de l’interroger : « Pourquoi donc aiguisent-ils leurs glaives, pourquoi affilent-ils leurs lances ? »

Le joyeux Lemminkäinen dit, le beau Kaukomieli répondit : « Ils aiguisent leurs glaives, ils affilent leurs lances, afin de faire tomber ma pauvre tête, afin de les tourner contre mon pauvre cou[1]. Un événement sinistre s’est passé dans Pohjola : j’ai tué le fils de Pohjalainen, l’hôte même de Pohjola. Alors, tout le peuple s’est armé pour une guerre terrible, tout le peuple s’est levé contre moi, triste infortuné, contre moi seul ! »

La mère, la vieille mère de Lemminkäinen dit à son enfant : « Je t’avais déjà prévenu, je t’avais prodigué mes conseils ; oui, jamais je n’ai cessé de te dissuader d’aller dans Pohjola. Si tu m’avais écouté, si tu étais resté

  1. « Mun poloisen pään varalle,
    « Vasten kauloa katalan. »