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le kalevala

Le guerrier de Pohja frappa ; il frappa une fois, il frappa deux fois, il frappa trois fois ; mais il ne rencontra point le but qu’il visait ; il n’enleva pas un seul morceau de chair, il n’effleura pas même la peau.

Ahti Saarelainen éleva la voix, le beau Kaukomieli dit : « À moi, maintenant, d’essayer ; mon tour est arrivé ! »

Le guerrier de Pohja ne s’inquiéta point de ces paroles. Il frappait, frappait toujours, mais sans jamais rencontrer le but qu’il visait.

Le glaive étincelait, l’acier terrible jetait des flammes dans la main de Lemminkäinen ; bientôt son éclat se répandit jusque sur le cou du fils de Pohjalainen.

Alors, le beau Kaukomieli dit : « Malheur à toi, guerrier de Pohjola ! Ton cou est déjà rouge comme un lever de soleil. »

Le fils de Pohjalainen, le guerrier de Pohja abaissa ses regards sur son cou. Mais, au même moment, le joyeux Lemminkäinen le frappa de nouveau, son glaive brilla comme l’éclair, et la tête de Pohjalainen tomba de ses épaules ; elle tomba telle qu’un épi détaché de sa tige, telle qu’une nageoire arrachée au ventre d’un poisson ; et elle roula sur le sol de l’enclos, comme un coq de bois atteint, à la cime d’un arbre, par une flèche meurtrière.

Cent poteaux, mille poteaux couronnés de têtes humaines se dressaient sur la colline. Un seul d’entre eux était encore libre : le joyeux Lemminkäinen prit la tête de son ennemi et la fixa à son sommet.

Ahti Saarelainen, le beau Kaukomieli, revint ensuite dans la maison de Pohjola, et il dit : « Donne-moi de l’eau, méchante femme, afin que je purifie mes mains du sang de l’hôte barbare, du sang du misérable Pohjalainen ! »

La vieille femme de Pohja fut transportée de colère, et elle se mit à exercer sa puissance magique ; elle évoqua des hommes armés de glaives, des héros armés de lances,