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vingt-septième runo

Le père de famille de Pohjola dit : « Pourquoi aussi es-tu venu ici ? Qui t’a invité au festin de noces ? »

Le joyeux Lemminkäinen dit, le beau Kaukomieli répondit : « Superbe est l’hôte invité, plus superbe encore celui qui ne l’est point[1]. Écoute-moi, ô fils de Pohjalainen, écoute, hôte de Pohjola : laisse-moi acheter de la bière, laisse-moi acquérir de la boisson à prix d’argent ! »

Le père de famille de Pohjola fut saisi d’une violente colère, d’une fureur sans égale, et, par ses paroles magiques, il évoqua un fleuve, un fleuve qui déborda sur le plancher de la maison, aux pieds mêmes de Lemminkäinen. Alors, il prit la parole et il dit : « Voici un fleuve que tu peux boire, voici un lac que tu peux lapper. »

Lemminkänen ne se laissa point déconcerter ; il se mit à parler et il dit : « Je ne suis point un veau, ni un bœuf orné d’une queue, pour boire l’eau de ce fleuve, pour lapper ce lac. »

Et, déroulant à son tour ses incantations, il évoqua un bœuf, un grand bœuf aux cornes d’or ; ce bœuf lappa le lac, but toute l’eau du fleuve.

Pohjalainen[2], l’homme à la haute taille, fit surgir de sa bouche[3] un loup pour dévorer le grand bœuf.

Lemminkäinen, le joyeux compère, évoqua un lièvre blanc pour bondir devant la gueule du loup.

Pohjalainen, l’homme à la haute taille, évoqua un chien à la mâchoire crochue pour déchirer le lièvre, pour mettre en pièces les yeux louches.

Lemminkäinen, le joyeux garçon, évoqua un écureuil pour sautiller sur les poutres et provoquer le chien à aboyer.

  1. Proverbe finnois. Celui qui vient à un festin sans y être invité, est naturellement censé plus hardi et, par suite, plus courageux et plus illustre que celui dont la présence n’est qu’une réponse à une invitation.
  2. Fils ou habitant de Pohjola.
  3. C’est-à-dire fit surgir un loup par la vertu magique des paroles qui sortaient de sa bouche.