Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
280
le kalevala

cuillers, mit dans la chaudière des os et des têtes de poissons, de vieilles feuilles de raves desséchées, des croûtes de pain dur ; puis elle présenta à Lemminkäinen un pot de méchante bière, afin qu’il pût apaiser sa soif, et elle lui dit : « Es-tu homme à boire cette bière, à vider ce pot ? »

Lemminkäinen, le joyeux compère, l’examina attentivement : un ver rampait au fond, des reptiles venimeux couvraient les parties intérieures, des serpents fourmillaient sur les bords, des lézards grouillaient dans la bière.

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli dit : « Que la mort enlève ceux qui m’apportent cette boisson, avant que la lune surgisse au ciel, avant que ce jour ait fini sa course ! »

Et il dit encore : « Ô pauvre bière, te voilà dans un triste état, dans une position misérable. Cependant, ce qu’il y a de bon en toi doit être bu ; le reste sera jeté par terre avec le doigt sans nom, avec le pouce de la main gauche. »

Et Lemminkäinen chercha dans sa poche, fouilla dans sa petite bourse. Il en retira un crochet de fer, et il le plongea dans le pot de bière, le promenant à travers la boisson. Les reptiles venimeux s’attachèrent au crochet, les serpents se prirent dans ses dents de fer, et le héros arracha du fond du vase cent grenouilles, mille lézards noirs, et, en même temps que les reptiles et les serpents, il les jeta à terre ; puis il prit son couteau à la lame affilée, à la pointe aiguë, et il trancha la tête à tous les monstres. Il but ensuite le liquide noir, il vida avec satisfaction le pot de bière, et il dit : « Je ne serais point un hôte gracieusement accueilli si l’on ne m’apportait une meilleure bière, si on ne me l’apportait d’une main plus généreuse et dans un plus grand vase ; si l’on ne tuait un mouton, si l’on n’abattait un grand bœuf, un taureau aux pieds puissants, dans cette maison renommée. »