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le kalevala

L’aigle répondit avec hauteur, la gueule de feu murmura : « Je livrerai passage au voyageur, surtout à Lemminkäinen, je lui permettrai de se diriger à travers ma bouche, de circuler à travers ma gorge ; là est la route qui le conduira à ces noces sans fin, à ces festins éternels. »

Lemminkäinen ne prit aucun souci de cette réponse, il n’en fut nullement alarmé ; il chercha dans sa poche, fouilla dans sa petite bourse, et en retira les plumes du coq de bruyères. Puis il les frotta entre ses mains, il les broya entre ses dix doigts, et soudain il en surgit une troupe de coqs de bruyères. Lemminkäinen les lança dans la bouche de l’aigle, dans le ventre du monstre vorace, dans la gorge de l’aigle de feu, entre les serres de l’oiseau de proie ; et ainsi il échappa à ses atteintes, il termina heureusement sa première journée.

Et de nouveau il frappa son étalon de son fouet orné de perles ; l’étalon bondit et reprit sa course.

Mais, quand il eut franchi un court espace, il s’arrêta soudain, et poussa des hennissements d’épouvante.

Lemminkäinen se dressa hors de son traîneau pour voir ce qui arrivait. Il arrivait ce que sa mère avait dit, ce que sa nourrice avait prédit. Un gouffre se trouvait en travers de la route, un gouffre d’une longueur immense du côté de l’orient, sans aucune limite du côté de l’occident, un gouffre plein de pierres enflammées, de roches brûlantes.

À cette vue Lemminkäinen ne conçut aucune inquiétude ; il adressa une prière à Ukko : « Ô Ukko, dieu suprême, père qui habites dans le ciel, envoie un nuage du sud-ouest, un second nuage de l’ouest, un troisième de l’est et du nord-est, joins ces nuages ensemble et fais-en tomber une neige de la hauteur d’un manche d’épieu, sur ces pierres enflammées, sur ces roches brûlantes ! »

Ukko, le dieu suprême, le père antique qui habite dans le ciel, envoya un nuage de sud-ouest, un second