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vingt-sixième runo

son étalon de son fouet orné de perles, et l’étalon se mit à bondir, à dévorer l’espace.

Quand il eut marché un temps assez long, Lemminkäinen aperçut une troupe de coqs de bruyères dispersés sur la route ; les coqs de bruyères prirent soudain leur vol, la bande d’oiseaux s’éleva dans les airs, devant le coursier bondissant.

Et ils laissèrent après eux quelques plumes de leurs ailes. Lemminkäinen les recueillit avec soin et les mit dans sa poche. On ne sait pas ce qui peut arriver, on ignore à quoi l’on peut être exposé dans le cours d’un voyage ; tout est utile dans une maison, tout est bon à l’heure du besoin[1].

Lemminkäinen poursuivit sa route, il fit encore un peu de chemin. Alors, le coursier se mit à hennir et à dresser les oreilles.

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli se pencha hors de son traîneau pour voir ce qui arrivait. Il arrivait ce que sa mère avait dit, ce que sa nourrice avait prédit. Un fleuve de feu s’étendait en travers de la route, et dans ce fleuve une cataracte de feu, et dans cette cataracte une île de feu, et sur cette île un rocher de feu, et au sommet de ce rocher un aigle de feu ; le feu jaillissait du fond de sa gorge, le feu s’échappait de sa bouche, ses plumes scintillaient comme la flamme, elles crépitaient comme des étincelles.

Lemminkäinen vit cet obstacle de loin. « Par où passeras-tu, ô Kaukomieli, quelle route suivras-tu, ô fils de Lempi[2] ?

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli dit : « Je vais aux noces, au mystérieux festin de Pohjola ; détourne-toi un peu de côté, laisse-moi le chemin libre, permets au voyageur, permets surtout à Lemminkäinen de passer devant toi ! »

  1. Proverbe finnois.
  2. Lempi est ici pour Lemmi ou Lemminkäinen.