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vingt-sixième runo

barrière forgée de fer, une palissade forgée d’acier. Elle s’élève de la terre au ciel, et du ciel elle s’abaisse sur la terre. Les pieux en sont faits de long serpents entortillés de noires couleuvres, liés avec des lézards. Et les queues des monstres ont été laissées pendantes, et leurs rondes têtes frétillent, leurs gueules profondes sifflent ; leurs queues sont en dedans, leurs têtes en dehors.

« D’autres monstres, encore, couvrent le sol des serpents en foule, sifflant avec leurs langues aiguës, agitant leurs gueules flexibles. Mais, le plus redoutable est celui qui garde l’entrée. Il est plus long qu’une poutre de la chambre ; plus gros que le poteau qui soutient la porte ; il allonge sa langue en sifflant, il ouvre sa gueule rugissante, et ce n’est point pour un autre, c’est pour toi seulement, infortuné ! »

Le joyeux Lemminkäinen dit, le beau Kaukomieli répondit : « Ce n’est encore là qu’un danger d’enfant, ce n’est point là la mort d’un héros. Je sais déjà charmer le feu, je sais enchaîner la puissance de la flamme, je saurai bien secouer les bêtes venimeuses. Naguère, durant la journée d’hier, j’ai labouré un champ rempli de serpents, j’ai retourné de fond en comble un terrain rempli de vipères, sans que mes mains aient reçu la moindre blessure. J’ai pris des serpents dans mes doigts, des vipères dans mes mains ; j’en ai tué par centaines, par milliers. Mes mains sont encore teintes de leur sang, elles sont encore souillées de leur graisse. Ainsi, je connais le moyen de ne point devenir la pâture du grand serpent, la proie de la vipère. J’étoufferai moi-même l’horrible monstre, je le broyerai jusqu’à la mort ; puis, par mes incantations, j’écarterai les autres serpents, je les chasserai loin de ma route, et je franchirai l’enclos de Pohjola, et j’entrerai dans la maison. »

La mère de Lemminkäinen dit : « Cependant, à mon fils, ne va point dans la maison de Pohjola, ne va point sous le toit de Sariola ! Des hommes sont là, ceints de leurs glaives, des héros armés en guerre ; l’ivresse les à