Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
le kalevala

amené mon frère, s’il eût conduit mon beau jeune homme dans cette maison.

« J’attendais donc, j’espérais toujours, je regardais sans cesse du côté de la route. J’ai tant regardé que ma tête s’est inclinée sur mon épaule, que mes cheveux se sont détournés de mon front, que mes yeux se sont élargis[1] ; j’attendais que mon frère arrivât dans ce petit enclos, dans cette étroite demeure.

« Mais, voici qu’il apparaît, enfin ! Il amène avec lui un frais visage ; une joue rose brille à ses côtés.

« Ô fiancé, mon cher frère, détèle ton cheval au front étoilé, conduis-le à sa litière bien connue, à son avoine d’autrefois ; puis, présente-nous ton salut, présente-le à nous et aux autres, présente-le à tout le village !

« Et après que tu nous auras salués, raconte-nous ce qui t’est arrivé. Ton voyage s’est-il passé sans funestes aventures, ta santé a-t-elle toujours été florissante, lorsque tu te rendais auprès de ta belle-mère, dans la maison de ton unique beau-père ? As-tu obtenu la jeune fille, as-tu fait triompher ta force, as-tu brisé les portes du combat, as-tu pris le château de la jeune vierge, renversé les murailles escarpées ? As-tu pénétré dans la chambre de ta belle-mère, t’es-tu assis sur le long banc de l’hospitalité[2] ?

« Mais qu’ai-je besoin de t’interroger ? Je vois de mes propres yeux que ta santé, que ta beauté t’ont suivi pendant ton voyage. Je vois que tu as enlevé la belle oie, que tu as fait triompher ta force, que tu as rasé le château, renversé les murailles, que tu as pénétré chez ta

  1. « Nünpä toivon tuon ikäni,
    « Katsoin kaiken päiväkauen,
    « Pääni katsoin kallellehen,
    « Sykeröni syrjällehen,
    « Silmät suorat suikulaksi. »

  2. Comme il était d’usage chez les anciens Finnois de ne se marier qu’entre tribus différentes et souvent hostiles, il était rare qu’on pût obtenir la main d’une jeune fille sans combat et sans faire en quelque sorte le siège de la maison de ses parents.