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LE KALEVALA

et il prit la parole, et il dit : « Adieu, ô rives des lacs, Adieu, rives des lacs, lisières des champs, petits pins de la colline, grands sapins des bois ! Adieu, putiers plantés derrière la maison, genevriers qui croissez sur le chemin du puits ; baies des champs, tiges de gazon ! Adieu, jeunes osiers, racines de pins, branches d’aulnes, écorce de bouleau[1] !»

Et le forgeron Ilmarinen s’éloigna de la maison de Pohjola.

Une troupe d’enfants se trouvait réunie ; ils se mirent à babiller et à chanter : « Un oiseau noir est venu du fond du bois jusqu’à nous ; et il nous a enlevé une belle oie, il nous a pris une baie, il nous a ravi une pomme ; il s’est emparé de notre joli poisson, il a séduit avec la petite monnaie, il a fasciné avec ses pièces d’argent[2]. Qui, maintenant, nous mènera puiser l’eau, qui nous conduira vers le fleuve ? Les seaux demeureront vides à la maison, les anses des seaux resteront immobiles, le plancher ne sera plus balayé, il gardera toutes ses ordures ; les bords de l’écuelle se racorniront, l’anse du pot se moisira. »

Le forgeron Ilmarinen poursuit sa route avec sa jeune épouse ; il longe les rivages de Pohjola, le golfe de Sima, il franchit les collines sablonneuses. Les pierres bruissent,

  1. Il règne, dans ces adieux d’Ilmarinen, une certaine ironie ; on dirait qu’il veut parodier ceux de la jeune fille. Il parait évident, d’ailleurs, que toutes ces lamentations l’impatientaient ; aussi les interrompt-il brusquement. Voici le texte de ses adieux :

    « Jää hyvästi jarven rannat,
    « Jarven rannat, pellon penkat,
    « Kaïkki mantyset maella,
    « Puut pitkät petajikossä,
    « Tuomikko tuvan takana,
    « Katajikko kaivotiellä,
    « Kaikki maassa marjan varret,
    « Marjan varret, heinän korret,
    « Pajupehkot, kuusen juuret,
    « Lepän lehvat, koivun kuoret ! »

  2. Il est superflu de faire remarquer que toutes ces expressions doivent être prises figurativement et s’appliquent à la jeune fille.