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LE KALEVALA

Laisse les chagrins au cheval, laisse le cheval châtré pleurer, la bouche au mors de fer gémir, la grande tête se lamenter ; le cheval a une tête plus solide, les os plus durs, la courbe du cou plus forte, tout le corps plus robuste !

« Tu n’as aucune raison de pleurer, de te lamenter. On ne t’emporte point dans un marais, on ne t’entraîne point dans un ruisseau. Si l’on t’enlève à une terre fertile, c’est pour t’emmener dans une terre plus fertile encore ; si on t’enlève à une maison pleine de bière, c’est pour t’emmener dans une maison où la bière est encore plus abondante.

« Si tu regardes de côté, si tu tournes les yeux à droite, tu vois auprès de toi un fiancé, un époux superbe, un homme bon, un cheval solide, une maison richement fournie ; les gelinottes voltigent avec bruit autour du collier de son étalon, les grives se posent et chantent gaiement sur les courroies du joug, six coucous d’or planent sur l’arc du collier, sept petites bêtes bleues chantent sur l’avant du traîneau.

« Ô jeune fille, cesse de te désoler, enfant de ta mère, cesse de gémir ! ton sort ne sera point pire, ton sort sera meilleur à côté du bon laboureur, sous le toit de celui qui sillonne le champ, sous le menton de celui qui donne la nourriture, dans les bras du pêcheur, près du cœur chaud du chasseur d’élan, dans la chambre de bain du chasseur d’ours !

« Tu as reçu en partage le meilleur des époux, le plus brave des guerriers ; ses arcs ne gisent point inactifs, son carquois ne reste point suspendu au clou, ses chiens ne dorment point dans le chenil, ses chiens ne paressent point sur la paille.

« Déjà, trois fois, ce printemps, il s’est éveillé, de grand matin, près d’un tronc d’arbre enflammé, il s’est levé d’un lit de branches de sapin[1] ; déjà, trois fois,

  1. C’est à-dire : il a passé toute la nuit dans la forêt, près d’un