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vingt-deuxième runo

point vivre esclave, elle ne peut songer à se plier à une volonté étrangère, et à demeurer dans une continuelle dépendance. Si quelqu’un ajoute un seul mot, je lui en répliquerai deux ; si l’on me prend par les cheveux, si l’on cherche à m’entraîner par les boucles de ma chevelure, je saurai bien faire lâcher prise et m’échapper.

« Mais, tu n’as point suivi mon conseil, tu n’as point écouté mes paroles ; tu t’es précipitée, le sachant et le voulant, dans le feu, tu t’es jetée de gaieté de cœur dans la poix ardente, tu t’es empressée de t’asseoir dans le traîneau du renard, dans le traîneau de l’ours, pour être emportée au loin, pour devenir l’esclave éternelle d’un beau-père, l’esclave absolue d’une belle-mère.

« Tu quittes la maison de ton père pour aller à une école, pour être soumise à une épreuve. Cette école sera dure, cette épreuve sera longue. Déjà, la bride est achetée, la chaîne est prête, et ce n’est pas pour d’autres que pour toi, pauvre misérable !

« Bientôt, infortunée, tu éprouveras les dents aiguës de ton beau-père, la langue de pierre de ta belle-mère, les paroles froides de ton beau-frère, les dures moqueries de ta belle-sœur.

« Prête donc l’oreille, à jeune fille, à ce que je te dis, sois attentive à mes paroles. Tu étais comme une belle fleur dans la maison, tu y marchais, semblable à la joie ; ton père t’appelait son rayon de lune, ta mère son rayon de soleil, ton frère l’ornement de l’onde, ta sœur son voile bleu. Maintenant, tu vas dans une autre maison, sous la puissance d’une mère étrangère. Une mère étrangère ne peut être comparée à la véritable mère, une femme étrangère à la véritable nourrice. Rarement, l’étrangère s’exprime avec douceur, rarement, elle conseille avec bienveillance. Ton beau-père t’appellera sapin rabougri, ta belle-mère méchant traîneau, ton beau-frère marche d’escalier, ta belle-sœur rebut des femmes.

« Tu serais à l’aise, il est vrai, si tu pouvais t’échapper, si tu pouvais t’évanouir comme une vapeur, t’élancer