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vingt-deuxième runo

l’intérieur de l’enclos, comme les filles qui l’habitent ; tu ne sais point allumer le feu, entretenir la chaleur du foyer, suivant le goût des hommes qui y demeurent.

« Croyais-tu donc, ô jeune fille, pensais-tu que tu t’en allais seulement pour une nuit et que tu reviendrais le lendemain ? Non, tu ne t’en vas point pour une nuit, ni même pour deux nuits, tu t’en vas pour beaucoup plus longtemps ; tu abandonnes, pour toujours, la maison de ton père, tu te sépares, pour toute la vie, de ta mère. L’enclos sera plus long d’un pas, le seuil sera plus haut d’une poutre, lorsque tu reviendras ici, un jour, lorsque tu nous feras une visite[1]. »

La jeune fille soupira, la pauvre jeune fille exhala ses soupirs. Le chagrin gonflait sa poitrine, les larmes lui montaient aux yeux. Elle prit la parole, et elle dit : « Je pensais, je croyais, dans ma vie, je me disais, dans mon âge de fleurs : Tu n’es pas encore femme, tant que tu es soumise à la surveillance maternelle, dans l’habitation de ton vieux père, dans la maison de ta vieille mère ; tu ne seras femme que lorsque tu auras suivi un époux dans sa maison, que tu auras un pied sur le seuil de sa demeure, et l’autre dans son traîneau. Alors, tu deviendras vraiment grande, tu deviendras plus haute d’une tête.

« Oui, tel était l’espoir de ma vie, tel était le but de mon âge de fleurs ; je soupirais après lui comme après une année fertile, comme après un bel été. Et, maintenant, mon espoir est accompli, le moment de mon départ est proche. Déjà, j’ai un pied sur le seuil de la demeure de mon époux, et l’autre dans son traîneau. Mais Je ne saurais expliquer quel changement s’est fait en moi. Non, je ne m’en vais pas avec joie, je ne quitte point avec plaisir cette maison d’or où j’ai passé ma jeunesse, cette maison où j’ai grandi, ces riches domaines de mon père.

  1. C’est-à-dire : Tu trouveras de grands changements dans la maison paternelle, quand tu y reviendras.