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LE KALEVALA

prompte à recevoir le cadeau des fiançailles, à mettre l’anneau à ton doigt, sois prompte aussi à monter dans le traîneau, à t’asseoir dans le beau traîneau ; sois prête à partir, à quitter ces lieux !

« Ô jeune fille, tu n’as point examiné la chose de tous les côtés, tu n’as point épuisé toute la force de ta pensée ; tu ignores si tu n’as pas fait un mauvais marché, si tu ne te prépares pas des larmes éternelles, toute une année de regrets, en quittant l’habitation de ton père, en abandonnant le pays de ton enfance, la maison de ta mère, la demeure de ta nourrice.

« Qu’avait donc pour toi la vie de si difficile dans l’habitation de ton père ? Tu y croissais comme une fleur sur les bords du chemin, comme une fraise dans le champ défriché. Tu y trouvais le beurre, tu y trouvais le lait, en sortant de ton lit ; tu y trouvais le pain de froment, le beurre fraîchement battu, en t’éveillant de ton sommeil : et si le beurre n’était pas de ton goût, tu pouvais te couper une tranche de viande.

« Tu n’avais pas le moindre souci, tu n’avais à te préoccuper de rien ; tu laissais les soucis aux sapins des bois, les préoccupations aux poteaux de la cloison, les chagrins poignants aux pins des marais, les tristes plaintes aux bouleaux des landes stériles. Et tu flottais comme la feuille, tu voltigeais comme le papillon, tu étais comme une baie, comme une framboise, dans le champ de ta mère.

« Maintenant, tu quittes cette maison, tu vas dans une maison étrangère, où commande une autre mère ; tu vas dans un ménage inconnu. Les choses changent avec les lieux ; tu trouveras de la différence dans une autre habitation. La corne n’y rend pas les mêmes sons[1], les portes y grincent autrement sur leurs charnières, soit au seuil de la maison, soit dans la cloison qui l’entoure. Tu ne sais point les ouvrir, tu ne sais point te mouvoir dans

  1. La corne du berger.