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LE KALEVALA

barque à voiles sur les vagues ; mais, maintenant, je ne sais, je ne puis dire comment ma voix puissante s’est éteinte, comment ma bonne voix s’est affaiblie Elle ne coule plus limpide comme le fleuve, elle ne se balance plus comme la vague ; elle grince comme une herse sur un champ hérissé de troncs d’arbres, comme un sapin branchu sur les tas de neige, comme un traîneau sur le sable du rivage, comme un bateau sur les pierres arides. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Si nul autre ne vient chanter avec moi, je chanterai tout seul, je chanterai à haute voix. Oui, puisque j’ai été créé runoia, puisque la science du chant m’a été donnée, je ne demanderai point mon chemin dans le village[1], je ne demanderai point à un étranger le commencement de mes runot. »

Et le vieux Wäinämöinen, l’appui du chant dans tous les temps, se mit à préparer la joie, à remplir sa tâche de runoïa. Les runot de la joie sont à ses côtés, les chants se pressent en abondance sous sa main.

Le vieux Wäinämöinen chanta ; il chanta et déploya sa science des runot. Avant que les paroles lui manquent, avant que ses chants soient épuisés, les montagnes manqueront de pierres, les lacs de lis des eaux.

Le vieux Wäinämöinen chanta ; il fit la joie de la soirée. Toutes les femmes avaient le rire sur les lèvres, tous les hommes étaient de bonne humeur ; ils l’écoutaient avec étonnement ; ses chants paraissaient merveilleux à ceux qui y prêtaient une oreille attentive, ils paraissaient extraordinaires, même à ceux qui ne les écoutaient pas.

Après avoir chanté, le vieux Wäinämöinen dit : « À quoi bon chanter et donner carrière à ma science ? Je ne puis absolument rien, je ne suis d’aucune utilité. Ah ! si le Créateur se mettait à chanter, s’il voulait moduler des

  1. C’est-à-dire : Je chanterai de moi-même et sans que nul autre me donne l’exemple.