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LE KALEVALA

petite fille, apporte maintenant la bière, apporte-la dans le pot à deux anses, pour les convives invités ; mais, pour mon gendre avant tous les autres ! »

La petite fille du village, la servante gagée, veilla à ce que le pot de bière fit valoir son mérite, à ce que le pot garni de cinq cercles remplit sa tâche, à ce que le houblon humectât la barbe des convives, à ce que la mousse la blanchit ; mais celle du gendre avant toutes les autres.

Quelles furent les pensées de la bière, que dit le pot garni de cinq cercles, quand il se vit en présence de celui qui pouvait le chanter, de l’homme qui pouvait le célébrer glorieusement ? Là se trouvait le vieux Wäinämöinen, l’appui du chant dans tous les temps, le runoia habile, le meilleur de tous les runoia.

D’abord, Wäinämöinen vida le pot de bière, puis il dit : « Ô bière, ô boisson bien-aimée, ne permets point que les hommes te boivent en vain ; fais que les hommes chantent, que les gosiers d’or entonnent des chants ! Nos hôtes s’étonnent, nos hôtesses se demandent : Les chants sont-ils donc déjà éteints, les voix d’or sont-elles donc épuisées, ou bien la bière que nous avons brassée est-elle mauvaise, la boisson que nous avons préparée est-elle sans vertu ? Car les chanteurs ne chantent point, les bons runoja gardent la silence, les convives d’or ne font entendre aucun son, les coucous de la joie ne se réjouissent point.

« Qui doit manier le chant, qui doit moduler des runot avec sa langue, dans ces noces de Pohja, dans ce festin de Sariola ? Les bancs ne chanteront certainement pas, si ceux qui sont assis sur les bancs refusent de chanter ; le plancher ne chantera certainement pas, si ceux qui sont debout sur le plancher refusent de chanter ; la fenêtre ne se réjouira pas, si ceux qui se tiennent près de la fenêtre refusent de se livrer à la joie ; les bords de la table ne résonneront pas, si ceux qui sont assis autour de la table refusent d’ouvrir la bouche ; les lucarnes par