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LE KALEVALA

qui s’élevait du côté du nord, et elle dit : « C’est là certainement un feu de guerriers, un feu allumé par une troupe ennemie. »

Ahti Saarelainen lui-même, le beau Kaukomieli, regarda pensif autour de lui, et dit : « Peut-être irai-je pour regarder, pour voir de plus près d’où vient cette fumée, ce nuage de fumée qui s’élève dans l’air ; pour m’assurer si c’est un feu de guerriers, un feu allumé par une troupe ennemie. »

Et Ahti se dirigea vers l’endroit d’où venait la fumée. Ce n’était point un feu de guerriers, ce n’était point un feu allumé par une troupe ennemie ; il avait été allumé pour préparer la bière, pour cuire la kalja, à l’extrémité du golfe de Sariola, au détour de l’étroit promontoire.

Kaukomieli la regarda avec attention ; ses yeux roulaient dans sa tête ; l’un de ses yeux louchait, et sa bouche se contournait légèrement ; et, tout en regardant, il dit : « Ah ! ma chère belle-mère, bienveillante hôtesse de Pohja, brasse une bière excellente, prépare une bonne kalja digne d’être bue par la grande foule, par Lemminkkunen surtout, à son festin de noces, avec sa jeune fiancée ! »

Ainsi la bière fut brassée, la douce kalja destinée aux hommes. La rouge bière, la belle kalja, fut déposée sous la terre pour y reposer, dans la cave à la voûte de pierre, dans un tonneau de chêne garni de cercles de cuivre.

La mère de famille de Pohjola se mit alors à préparer le festin de noces. Elle plaça sur le feu les chaudières pour y bouillir bruyamment, les poëles pour y pétiller avec force ; puis elle mit au four le grand pain, elle apprêta la grande talkkuna[1], pour être servis à la joyeuse assemblée, à l’immense foule, dans les noces solennelles de Pohjola, dans le festin de Sariola.

  1. Sorte de bouillie de farine d’avoine, encore en usage aujourd’hui en Savolax et en Karélie.