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introduction

n’est même pas rare d’en rencontrer parmi eux qui, fiers de se trouver en présence d’un appréciateur éclairé de leur science, lui en livrent généreusement tous les trésors. Cette générosité se montre surtout chez les vieillards. Du reste, c’est à eux, de préférence, qu’il faut s’adresser pour obtenir des communications importantes. La jeunesse déserte de plus en plus les souvenirs traditionnels pour s’abandonner aux frivolités du présent ; et si la nationalité finnoise n’était douée d’une force de résistance invincible, il serait à craindre qu’avant peu tous ces chants, qui font sa gloire, et qui, jusqu’à ce jour, se sont conservés si fidèlement dans la mémoire du peuple, ne s’abîmassent à jamais dans l’oubli.

Un vénérable runoiat âgé de quatre-vingts ans disait, un jour, à Lönnrot : « Ah ! que n’étiez-vous là, pendant la saison de la pêche, lorsque nous nous reposions près du brasier allumé sur le rivage ! Nous avions pour compagnon un homme de notre-village, un bon runoia, moins bon, toutefois, que mon père. Pendant toute la durée des nuits, ils chantaient en se tenant par les mains, et jamais la même runo n’était répétée deux fois. Je n’étais alors qu’un petit garçon ; mais j’écoutais avec une curiosité avide, et c’est ainsi que j’ai ap-