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dix-septième runo

Alors, le vieux Wäinämöinen, après avoir entendu les paroles, après avoir recueilli les chants magiques, si ardemment désirés, se prépara à sortir de la bouche d’Antero Wipunen, des entrailles de l’homme fort et puissant. Et il dit : « Ô Antero Wipunen, ouvre, maintenant, ta large bouche, dilate tes vastes mâchoires, afin que je sorte de ton ventre et que je retourne dans mon habitation. »

Wipunen, le grand runoia dit : « J’ai mangé, j’ai bu beaucoup de choses, j’ai avalé mille différentes matières, mais, jamais je n’ai rien bu ni rien mangé qui ressemblât au vieux Wäinämöinen ; si tu as bien fait de venir ici, tu fais encore mieux d’en partir. »

Et Wipunen, le grand runoia, ouvrit sa large bouche, dilata ses larges mâchoires, et le vieux Wäinämöinen s’élança du fond des entrailles de l’homme fort et puissant. Il bondit tel qu’un écureuil d’or, tel qu’une martre à la poitrine d’or.

Et il se rendit dans l’atelier du forgeron ; Ilmarinen lui dit : « As-tu entendu les paroles, as-tu recueilliles chants magiques, les chants nécessaires pour achever ton bateau ? »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen, répondit : « J’ai entendu cent paroles, mille matières de chant ; j’ai tiré les paroles de leur retraite, j’ai arraché les chants magiques de leur caverne. »

Et il se dirigea vers son bateau, vers le lieu où il travaillait avec sagesse ; et, bientôt, le bateau fut achevé sans le secours de la hache, le bateau fut créé sans que la hache détachât un seul éclat[1].

  1. C’est-à-dire par la seule puissance de la parole, et sans l’emploi d’aucun outil.