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introduction

Lönnrot a eu plus d’une fois à lutter contre cette suspicion. Un envoyé de la Société littéraire de Finlande, M. Groundstroem, qui, en 1861, avait entrepris en Ingrie un voyage d’exploration runologique, raconte que, s’étant rendu dans une localité appelée Säätinä, espérant y faire une riche moisson il évita avec peine le sort de saint Étienne, tellement toute la population s’était ameutée contre lui. Ces dispositions hostiles sont provoquées généralement, dans les localités où prévaut la religion russe, par le fanatisme des popes, qui frappent d’anathème les runot anciennes, surtout les runot mythologiques, et les représentent comme l’œuvre du diable. Certains popes, toutefois, plus tolérants, ne voient dans l’action de chanter ces runot qu’un léger péché rääkkä, dont ils donnent facilement l’absolution. Aux yeux de sectaires zélés, comme il s’en trouve beaucoup en Russie, le chant des runot passe pour une occupation vaine et frivole ; ils ne s’y livreront à aucun prix, aux époques de jeûne et d’abstinence.

Parmi les runoiat les plus célèbres, on compte des femmes aussi bien que des hommes. Lönnrot cite une veuve, nommée Matho, dont la mémoire avait gardé fidèlement les runot les plus splendides ; elle les lui chantait en tricotant.