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dix-septième runo

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen, malgré les difficultés de l’entreprise, n’en résolut pas moins de ka tenter. Il se rendit à la forge d’Ilmarinen et fui dit : « Ô forgeron Ilmarinen, forge-moi des semelles de fer, des gants de fer, une chemise de fer, forge-moi, en outre, moyennant payement, un bâton de fer à la moelle d’acier. Je pars pour arracher les paroles magiques, les matières du chant, du ventre du prodigieux géant, de la bouche d’Antero Wipunen. »

Ilmarinen dit : « Depuis longtemps Wipunen est mort, depuis longtemps Antero a cessé de dresser ses piéges, de tendre ses filets ; tu ne tireras pas de lui une parole, pas la moitié d’une parole. »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen, malgré cet avis, se mit en route. Le premier jour, il s’élança par-dessus la pointe des aiguilles des femmes ; le second jour, par-dessus la pointe des glaives des hommes, le troisième jour, par-dessus le tranchant des haches des héros.

Wipunen, le puissant runoia, le vieillard à la force prodigieuse, était couché sous la terre, avec ses chants ; il gisait étendu, avec ses paroles magiques. Le peuplier croissait sur ses épaules, le bouleau sur ses tempes, l’aulne sur ses joues, le saule sur sa barbe, Le sapin sur son front, le pin sauvage entre ses dents.

Le vieux Wäinämöinen arriva. Il tira son glaive, sa lame d’acier, de son fourreau de peau, de sa ceinture d’un cuir inconnu, et il fit tomber le peuplier des épaules de Wipunen, le bouleau de ses tempes, les aulnes touffus de ses joues, le saule de sa barbe, le sapin de son front, le pin sauvage de ses dents. Puis, il enfonça son bâton garni de fer dans la gorge du géant, entre ses mâchoires béantes, ses gencives frémissantes, et il dit : « Lève-toi de ta couche souterraine, ô esclave de l’homme[1], éveille-toi de ton long sommeil ! »

  1. Wäinämöinen le nomme ainsi, parce qu’il possède la puissance de le soumettre à ses lois.