Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
le kalevala

à Tuonela, avant que Tuoni ne l’ait voulu, avant que Mana ne l’ait rappelé de la terre ? »

Le vieux Wäinämöinen répondit : « Je construisais un bateau, je charpentais une nouvelle barque. Tout à coup, lorsque je n’avais plus qu’à mettre la dernière main à la proue, qu’à achever la poupe, trois paroles m’ont manqué. Alors, je les ai cherchées par toute la terre ; mais je les ai cherchées sans les trouver, et c’est pourquoi j’ai dû venir à Tuonela, j’ai dû descendre dans les demeures de Manala. C’est d’ici que j’espère emporter les paroles magiques, les matières du chant. »

La mère de Tuonela dit : « Tuoni ne te fournira point les paroles, Manala ne te donnera point la puissance magique, et tu ne sortiras plus d’ici, durant tout le cours de ta vie, pour regagner ton pays, pour retourner dans ta maison. »

Et la vieille femme précipita le héros dans le sommeil, elle fit coucher le voyageur sur les peaux de Tuoni. Là le héros repose, le héros goûte le sommeil ; mais si l’homme dort, ses habits veillent[1].

Il était dans Tuonela une vieille femme, une vieille femme au menton tordu, habile à filer le fer, à filer le cuivre ; elle tressa une natle large de cent brasses, longue de mille brasses, pendant une seule nuit d’été, sur une seule pierre fixée dans l’eau.

Il était dans Tuonela un vieillard, un vieillard aux trois doigls, habile à tresser des filets de fer, des filets de cuivre, il tressa une nasse large de cent brasses, longue de mille brasses, pendant la même nuit d’été, sur la même pierre fixée dans l’eau.

Le fils de Tuoni, aux doigts crochus, aux ongles de fer, prit la nasse longue de mille brasses, et la jeta en travers du fleuve de Tuonela, afin d’empêcher Wäinä-

  1. Proverbe finnois. On a vu combien ces proverbes sont fréquents dans les runot. C’est là, en effet, une manière de parler familière aux peuples finnois.