Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
seizième runo

venu à Manala pour y chercher une tarière, afin de réparer ce désastre, de remettre mon traîneau en état. Amenez-moi une barque, amenez-moi un radeau, pour que je puisse franchir le détroit, traverser le fleuve. »

Les filles de Tuoni se mirent alors à accabler le héros d’invectives, les filles de Mana lui répondirent avec dédain : « Ô insensé, ô homme de peu de sagesse, tu viens ici, sans motif, sans y avoir été amené par aucune maladie. Mieux vaudrait pour toi de retourner dans ton pays. Beaucoup entrent dans Manala, mais bien peu en sortent. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « C’est l’affaire d’une vieille femme de retourner sur ses pas, mais non celle d’un homme faible, même du plus misérable héros. Amenez-moi une barque, ô filles de Tuoni ; enfants de Manala, amenez-moi un radeau ! »

Les filles de Tuoni amenèrent une barque au vieux Wäinämöinen ; elles l’y firent entrer, et elles l’aidèrent à franchir le détroit, à traverser le fleuve, et elles dirent : « Malheur à toi, ô Wäinämöinen, à toi qui arrives sans être mort, à Manala, qui pénètres, vivant, dans Tuonela ! »

Tuonetar[1], la bonne hôtesse, Manalatar[2], la vieille femme, apporta un pot à deux anses, rempli de bière, et elle dit : « Bois, maintenant, à vieux Wäinämöinen ! »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen examina le pot avec soin. Des grenouilles se jouaient dans son liquide, des vers rampaient sur ses bords. Il éleva la voix, et il dit : « Je ne suis point venu ici pour vider les pots de Manala, pour goûter les breuvages de Tuoni. Les buveurs de bière succombent à l’ivresse, les amateurs de boisson y perdent leurs forces ! »

La mère de Tuonela dit : « Ô vieux Wäinämöinen, pourquoi donc es-tu venu à Mana, quel dessein t’a amené

  1. La femme, la mère, la reine de Tuonela.
  2. La femme, la mère, la reine de Manala.