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seizième runo

hache sur l’épaule, une hache d’or, au manche de cuivre. Il franchit une colline, deux collines, trois collines, et il rencontra æn peuplier, un arbre haut de trois brasses.

Il brandit sa hache et s’apprèta à l’abattre ; mais le peuplier éleva la voix et lui dit : « Que veux-tu de mot, ô homme ? Quel est ton dessein ? »

Sampsa répondit : « Ce que je veux de toi ? Je veux un bateau pour Wäinämöinen, une barque pour le runoia. »

Le peuplier, l’arbre aux mille rameaux, dit avec finesse : « Le bateau que l’on ferait avec moi fuirait de toutes parts et coulerait à fond. J’ai le pied percé de trous ; trois fois durant cet été, le ver m’a rongé la moelle ; il est couché sur ma racine. »

Sampsa continua sa route du côté du nord.

Un pin se dressa devant lut, un arbre haut de six brasses. Il le frappa d’un coup de hache et lui dit : « Peux-tu servir, ô pin, à faire un bateau pour Wäinämöinen, une barque pour le runoia ? »

Le pin répondit à pleine gorge : « Je ne crois pas que l’on puisse faire de moi un bateau à six côtes. Je suis un misérable pin. Trois fois, durant cet été, le corbeau a croassé dans ma couronne, la corneille a hurlé dans mes branches[1]. »

Sampsa continua sa route du côté du midi. Il reneontra un chêne de neuf brasses de tour, et il lui dit : « Ô chêne, peut-on faire de toi une pièce mère pour un bateau de voyage, une quille pour un navire de guerre ? »

Le chêne répondit avec fierté : « Oui, certainement, on trouvera en moi de quoi faire une pièce mère et une quille pour un navire. Je ne suis ni petit ni incomplet, et mon corps est libre de trous. Trois fois, durant cet été, durant ces jours d’ardente chaleur, le soleil m’a enveloppé

  1. Si le chant du coucou annonce le bonheur, le croassement du corbeau et de la corneille ne présage que le malheur. Telle était la croyance populaire chez les Finnois et les autres peuples du Nord. Il en était et il en est encore de même chez beaucoup d’autres peuples.