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quinzième runo

distillait du sang, que le sang s’en échappait en rouges rayons.

Kylliki, la belle femme, dit : « Hélas ! mon époux est perdu pour moi ; mon beau Kaukomieli a disparu dans les déserts lointains, dans les routes inhospitalières, dans les sentiers inconnus ; le peigne distille du sang, le sang s’en échappe en rouges rayons. »

Alors, la mère de Lemmikäinen examina elle-même le peigne, et se mit à pleurer amèrement, puis elle dit : « Malheur à moi, infortunée, pour tous mes jours, malheur à moi pour toute ma vie ! Mon pauvre fils a été frappé par un destin cruel, mon déplorable enfant est perdu. Oui, c’en est fait de Lemmikäinen, car son peigne distille du sang, le sang s’en échappe en rouges rayons. »

Elle releva les plis de sa robe sur ses bras, et se mit aussitôt en route, marchant avec une ardeur impétueuse. Les collines s’abaissent, les vallées se comblent sous ses pas.

Elle arriva aux demeures de Pohjola et demanda vivement après son fils.

« Ô mère de Pohjola, qu’as-tu fait de mon enfant ? Où Lemmikäinen a-t-il trouvé la mort ? »

Louhi, la mère de Pohjola, répondit : « Je ne sais rien de ton enfant ; j’ignore où il est allé, où il s’est perdu. Je l’ai mis dans son traîneau, un traîneau attelé d’un fougueux étalon. Peut-être s’est-il noyé dans un trou de neige fondue, ou a-t-il été gelé dans les glaces de la mer ; peut-être est-il tombé dans la gueule du loup ou sous les dents terribles de l’ours. »

La mère de Lemmikäinen dit : « Tu mens, certainement. Le loup ne dévore point mon fils, l’ours n’ose toucher Lemmikäinen ; ses doigts, ses mains lui suffisent pour les terrasser. Si tu refuses de me dire ce que tu as fait de mon enfant, je briserai les portes de l’étuve où sèche ton grain ; je mettrai en pièces la charnière du Sampo. »

La mère de Pohjola dit : « J’ai donné généreusement