Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
quatorzième runo

du poulain âgé d’un an, épiant le coursier infernal. Il porte les rênes suspendues à sa ceinture, il porte le mors sur son épaule.

Un jour, deux jours s’écoulèrent ; le troisième jour Lemmikäinen atteignit une haute montagne, il grimpa au sommet d’une pierre. De là, il tourna ses regards vers l’orient, sa tête vers le soleil ; et il aperçut l’élan de Hiisi sur un champ de sable, le jeune poulain d’un an, au milieu d’un bois de sapins. La flamme jaillissait de sa queue, la fumée s’échappait de sa crinière.

Lemmikäinen dit : « Ô Ukko, Dieu suprême entre les dieux, souverain modérateur des nuages, ouvre dans toute son étendue la voûte du ciel, brise toutes les portes de l’air, fais pleuvoir une grêle dure comme le fer, verse des glaçons aigus comme l’acier sur la croupe du bel étalon, sur les flancs du coursier de Hiisi ! »

Ukko, le grand créateur, le Jumala qui réside au-dessus des nuages, brisa la voûte de l’air, il la déchira en deux parties, puis il fit pleuvoir de la neige, il fit pleuvoir de la glace, il versa des grêlons durs comme du fer, plus petits qu’une tête de cheval, plus gros qu’une tête d’homme, sur la croupe du bel étalon, sur les flancs du coursier de Hiisi.

Alors, le joyeux Lemmikäinen s’avança pour voir, pour regarder de plus près le coursier de Hiisi, et il dit : « Ô noble étalon de Hiitola[1], ô poulain de la montagne, aux naseaux écumants, ouvre ta bouche d’or à ce mors d’or, plie ta tête d’argent sous ce licou d’argent. Je ne te ferai aucun mal, je ne te mènerai pas trop durement. Je n’entreprendrai qu’un petit, un tout petit voyage. J’irai seulement aux demeures de la sombre Pohjola, à la maison de l’austère belle-mère. Si je te donne quelques coups de fouet, mon fouet sera fait d’une lanière de drap, d’une corde de soie. »

Le coursier de Hiisi, à la robe fauve, le poulain de

  1. Demeure de Hiisi.