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quatorzième runo

exhalaient de suaves odeurs ; les lisières des forêts sentaient la bière ; les bords des marais le beurre fondu[1].

« Ô Tuulikki, vierge des bois, noble enfant de Tapio, pousse le gibier, du fond de ses retraites, vers les libres espaces des forêts défrichées par le feu ! S’il hésite à sortir, s’il ne s’avance que lourdement, hâte sa course avec une verge flexible, avec une branche de bouleau, et fais qu’il arrive sur le sentier de celui qui le cherche, sur la route du chasseur qui le poursuit perpétuellement !

« Et quand il sera sur ce sentier, quand il sera arrivé sur cette route, étends tes larges mains de chaque côté pour l’empêcher de s’échapper. S’il s’échappe, saisis-le par les oreilles, saisis-le par les cornes et ramène-le !

« Si une branche de sapin te barre le chemin, écarte-la ; si c’est un tronc d’arbre, fends-le par le milieu ; si c’est une haie, renverse-la.

« Si tu rencontres un fleuve ou une rivière, jettes-y un pont de soie, un pont de drap rouge ; jette ce pont sur les détroits et sur les golfes, sur les vastes plaines de la mer, sur le torrent mugissant de Pohja, sur les vagues sauvages de la cataracte !

« Ô maître, ô souveraine de Tapio, écoutez ma voix ! Vieillard de la forêt, à la barbe sombre, roi splendide de Metsola, et toi, Mimmerki, mère des bois, donneuse bienfaisante de la forêt, reine de Tapiola au voile bleu, reine des marais aux bas rouges, venez maintenant échanger avec moi l’or et l’argent ! Mon or est aussi ancien que la lune, mon argent est de l’âge du soleil ; ils ont été vaillamment conquis dans les combats. Ils s’useront dans ma bourse ; ils se terniront dans mon sac, si je ne rencontre personne qui veuille les échanger avec moi[2]. »

  1. Toutes ces expressions, si capricieusement figurées, se rapportent toujours au gibier.
  2. Il était d’usage chez les anciens Finnois d’offrir de l’or et de l’argent aux divinités des bois, pour en obtenir en échange une grande abondance de gibier. Dans ce long discours de Lemmikäinen, il s’agit