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treizième runo

pour saisir le héros, pour engloutir Lemmikäinen ; mais il échappe à ses dents meurtrières, il n’en est pas même effleuré.

Un seul champ reste encore à atteindre, un petit coin désert à visiter, dans les espaces extrêmes de Pohjola, dans les vastes solitudes de la Laponie. Le héros y dirige sa course.

Mais, arrivé à la dernière limite, il entendit un bruit effroyable. Les chiens aboyaient, les enfants pleuraient, les femmes ricanaient, tout le peuple lapon éclatait en murmures,

Le joyeux Lemmikäinen s’élança du côté du bruit, et quand il fut à portée, il dit : « Pourquoi entends-je les femmes ricaner, les enfants pleurer, les vieillards se lamenter, les chiens velus aboyer ? »

« Les femmes ricanent, les enfants pleurent, les vieillards se lamentent, les chiens velus aboient, parce que, en passant devant la goatte, l’élan de Hiisi a renversé la chaudière qui était sur le feu, en sorte que la viande a roulé dans les cendres, que la soupe s’est perdue sur la pierre du foyer. »

Et le joyeux Lemmikäinen, le facétieux compère appuya son suksi gauche sur la neige, et il glissa comme une couleuvre sur le gazon aride ; il appuya son suksi droit sur le pin du marais, et il y glissa comme un serpent vivant ; puis, continuant sa course, appuyé sur son bâton, il dit : « Que tous les hommes de Laponie viennent, maintenant, pour porter l’élan, que toutes les femmes de Laponie nettoient les chaudières, que tous les enfants de Laponie rassemblent du petit bois pour faire le feu, que toutes les chaudières de Laponie se préparent pour la cuisson du grand élan de Hiisi ! »

Et, dans un suprême effort, Lemmikäinen s’élança en avant. D’un bond, il alla aussi loin que l’œil pouvait voir, d’un autre bond, aussi loin que l’oreille pouvait entendre, d’un troisième bond, il atteignit la croupe de l’élan de Hiisi.