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douzième runo

railles, la mousse des poutres[1], les ais des lucarnes, et il entendit chanter des paroles, moduler des runot.

Et il glissa furtivement ses regards dans l’intérieur de la maison. Elle était remplie de tietäjät, de magiciens puissants, de savants devins, d’habiles ensorceleurs ; tous chantaient des runot de Laponie, vociféraient des chants de Hiisi.

Le joyeux Lemmikäinen prit hardiment une autre forme, et il entra dans la tupa, et il dit : « Le chant est beau quand il finit vite, le chant est beau quand il est court ; il est mieux de ménager l’esprit que de le briser à moitié chemin[2]. »

La mère de famille de Pohjola suspendit son travail et dit : « Il y avait ici naguère un chien couleur de fer, un mangeur de viande, un briseur d’os, un suceur de sang cru. Quel homme es-tu donc parmi les hommes, quel héros parmi les héros, toi qui as franchi ce seuil, qui as pénétré dans cette tupa, sans que le chien t’ait entendu, sans que l’aboyeur t’ait remarqué ? »

Le joyeux Lemmikäinen répondit : « Je ne suis point non plus venu ici avec ma science et mon habileté, avec ma puissance et ma sagesse, avec la force et la vertu magique que j’ai héritées de mon père, les runot protectrices que m’ont enseignées ceux de ma race, pour être dévoré par tes chiens, pour devenir la pâture de tes aboyeurs.

« Lorsque j’étais petit enfant, ma mère m’a baigné dans l’eau trois fois, pendant une nuit d’été, neuf fois, pendant une nuit d’automne, afin que je devinsse un tietäjä puissant, un enchanteur fameux, et dans mon pays et dans tout l’univers. »

Et le joyeux Lemmikäinen, le beau Kaukomieli se mit à vociférer ses runot sauvages, à déployer sa grande

  1. Dans les maisons en bois, on remplit les interstices des poutres avec du chanvre ou de la mousse.
  2. Proverbe finnois.