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société des jeunes filles, aux jeux bruyants des belles chevelures. »

Le jeune Ahti, le fier guerrier, le joyeux Lemmikäinen fut saisi d’une grande, d’une longue colère, et il dit : « Ô ma mère, ma vieille mère, trempe ma chemise dans le venin d’un noir serpent, et hâte-toi de la faire sécher, car je veux partir pour la guerre, je veux entreprendre une campagne contre les foyers de Pohja, contre les lieux où vivent les fils des Lapons. Déjà, Kylliki est sortie dans le village, elle court les maisons étrangères, se mêlant à la société des jeunes filles, aux jeux bruyants des belles chevelures. »

Kylliki prit la parole, Kylliki, la jeune femme, s’empressa de répondre : « Ah ! mon cher Ahti, garde-toi d’aller à la guerre ! J’ai fait un songe, tandis que j’étais plongée dans un lourd sommeil. Le feu grondait aux alentours, comme un foyer de forge, les flammes s’élevaient en tourbillons orageux, le long des murs extérieurs ; puis elles envahirent brusquement la maison, telles qu’une cataracte sauvage, courant de fenêtre en fenêtre, et bondissant du plancher jusqu’au toit. »

Le joyeux Lemmikäinen répondit : « Je ne crois point aux songes des femmes, non plus qu’à leurs serments. Ô ma mère, ma nourrice, apporte-moi ma chemise et mon armure de guerre ! Je veux boire la bière du combat, je veux goûter le doux miel des batailles[1]. »

La vieille femme dit : « Ô mon fils, mon cher Ahti, non, ne va point à la guerre ! Nous ne manquons pas de bière à la maison, nous en avons dans la belle tonne en bois d’aulne, derrière la bonde en bois de chêne ; je puis t’en fournir assez, lors même que tu voudrais passer toute la journée à boire. »

Le joyeux Lemnikäinen dit : « Je me soucie fort peu

  1. Lemmikäinen veut dire dans ce langage imagé qu’il est altéré de la soif des combats. Sa mère feint de ne pas le comprendre et lui propose la bière de famille.