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onzième runo

de sa mère. Il attela son bon étalon à son traîneau, et il partit avec fracas, pour aller demander la main de la gracieuse fleur, de la belle vierge de Saari.

Mais, au moment où il faisait sa pompeuse entrée dans l’île, voici que tout à coup son traîneau, son beau traîneau versa. Les femmes se moquèrent de lui, les jeunes filles le tournèrent en ridicule.

Alors, le joyeux Lemmikäinen grinça des dents, branla la tête, secoua sa noire chevelure ; puis il prit la parole, et il dit : « Je n’avais pas encore vu, je n’avais pas encore entendu de femme se moquer de moi, de jeune fille me tourner en ridicule. »

Et, sans se soucier davantage de ce qui se passait autour de lui, il éleva la voix, et il dit : « Est-il une place dans Saari, une place où je puisse me mêler aux jeux des jeunes filles, danser dans la joyeuse société des belles chevelures ? »

Les filles de Saari, les vierges du promontoire, lui répondirent : « Sans doute, tu trouveras ici une place pour y jouer, pour y folâtrer, comme pâtre, dans la forêt défrichée, comme berger, sur l’herbe jaune de la prairie. Les filles de Saari sont maigres, mais ses chevaux sont très-gras[1]. »

Le joyeux Lemmikäinen ne se tourmenta en aucune façon de cette réponse. Il s’enrôla en qualité de berger, et garda les troupeaux, pendant toute la durée des jours ; mais, pendant les nuits, il fréquentait les riantes sociétés des jeunes filles, les jeux folâtres et les joyeux ébats des belles chevelures.

Ainsi, le joyeux Lemmikämen, le beau Kaukomieli mit fin aux railleries des moqueuses ; et bientôt, dans toute l’île, il ne se trouva pas de jeune fille, même parmi les plus timides et les plus chastes, à laquelle il n’eût prodigué ses caresses, et dont il n’eût partagé la couche.

  1. C’est-à-dire : Tu feras bien de t’en tenir aux chevaux de Saari, ils conviennent mieux à tes jeux que ses maigres jeunes filles.