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neuvième runo

l’acier ne pouvait être formée ; le fer ne pouvait devenir dur sans être trempé dans l’eau.

« Après avoir réfléchi un instant, le forgeron jeta un peu de cendres, un peu de lessive, dans l’eau qui devait former l’acier, dans l’eau qui devait durcir le fer.

« Et il goûta cette eau avec sa langue, avec ses sens intérieurs, et il dit : « Ceci ne saurait m’être utile pour former l’acier, pour durcir le fer. »

« Mehiläinen[1] s’éleva du sein de Ia terre ; l’aile bleue surgit d’une touffe de gazon ; elle vole, elle se pose, autour de l’atelier du forgeron.

« Ilmarinen lui dit : « Ô Mehiläinen, légère créature, apporte-moi du miel sur tes ailes, du miel sur ta langue, du miel extrait du suc de six fleurs, de sept tiges de gazon, pour l’acier qui doit être préparé, pour le fer qui doit être durci. »

« Herhiläinen[2], l’oiseau de Hiisi, voltigeait autour de la forge, épiant, à travers le toit d’écorce de bouleau, l’acier qui devait être préparé, le fer qui devait être durci.

« Elle se glissa, en assourdissant son bourdonnement, jusqu’au vase destiné à tremper l’acier, à durcir le fer, et y répandit les matières fatales de Hiisi : le venin mortel du serpent, la noire sanie du ver, la bave brune de la fourmi, les sucs funèbres du crapaud.

« Le forgeron Ilmarinen, le batteur de fer éternel, crut que Mehiläinen était de retour et avait apporté le miel, et il dit : « Voilà, maintenant, qui me servira pour l’acier qui doit être formé, pour le fer qui doit être durci. »

« Et il tira le fer, le pauvre fer de la forge, et il le trempa dans l’eau maudite.

« Soudain, le fer éclata en révolte, l’acier trahit une perversité cruelle. Le misérable renia son serment ; il

  1. L’abeille, de Mehi, miel.
  2. La guêpe. On l’appelle aussi Hörhiäinen, Hörhiläinen, Hörhöläinen (de Hörisen : Bourdonner).