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le kalevala

« Ilmarinen lui dit : « Ne te laisse point effrayer ainsi ! Le feu ne brûlera point son ami, il ne fera point de mal à son frère. Quand tu seras entré dans sa demeure, tu y deviendras beau, admirablement beau ; tu serviras de glaive redoutable aux hommes, de franges aux ceintures des femmes ! »

« Et, depuis ce moment, le fer fut retiré du marais, il fut enlevé de la vase humide et placé au cœur de la forge.

« Ilmarinen souffla une fois, souffla deux fois, souffla trois fois. Le fer se liquéfia comme de la bouillie, s’enfla comme de l’écume ; il s’étendit, tel qu’une pâte de froment, tel qu’une pâte de seigle, sous la grande flamme du forgeron, sous la puissance merveilleuse du feu.

« Mais, bientôt, le pauvre fer poussa un cri de détresse : « Ô forgeron Ilmarinen, retire-moi d’ici, sauve-moi de la brûlante étreinte du feu ! »

« Ilmarinen lui dit : « Si je te retire du feu, peut-être te montreras-tu cruel et intraitable, peut-être frapperas-tu ton frère, mettras-tu en pièces l’enfant de ta mère. »

« Le fer prononca un serment terrible ; il jura, au cœur du foyer, sur l’acier de l’enclume, sous les coups du marteau, et dit : « N’ai-je pas assez de bois à mordre, de cœurs de pierre à dévorer, pour songer à frapper mon frère, à mettre en pièces l’enfant de ma mère ? Il est mieux, il est plus beau pour moi de servir de compagnon au voyageur, d’arme de sûreté au piéton, que d’attaquer ma propre race, que de maltraiter mon parent. »

« Alors, le forgeron Ilmarinen, le batteur de fer éternel, retira le fer du feu. Il le mit sur l’enclume, il le martela avec force, et en fit des lances à la pointe aiguë, des épieux, des haches, des instruments, des outils de toute espèce.

« Mais il lui manquait encore quelque chose : la langue du fer ne pouvait avoir toute sa force, la bouche de