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neuvième runo

il se cacha sur la cime d’un rocher sauvage, là où les cygnes déposent leurs œufs, où l’oie fait éclore ses petits.

« Et il resta dans la vase humide du marais, caché entre les troncs de deux petits arbres, sous les racines de trois bouleaux, pendant un an, pendant deux ans, pendant presque trois ans. Mais, malgré tout, il ne put échapper à l’étreinte impitoyable du feu ; il dut retourner dans ses demeures, pour y être changé en arme de combat, en redoutable glaive.

« Le loup s’élança à travers le marais, l’ours le piétina violemment ; et son sol fut dévasté jusque dans ses profondeurs, et la retraite du fer fut mise à découvert.

« Le forgeron Ilmarinen était né et avait grandi. Il était né sur une montagne de charbon, il avait grandi au milieu d’un champ de suie, un marteau de cuivre à la main, des tenailles au poing.

« Ilmarinen était né pendant la nuit ; et, le jour suivant, il se construisit une forge ; et il chercha une place pour l’établir, un endroit pour suspendre ses soufflets.

« Il aperçut au coin d’un marais, un petit espace libre ; il s’approcha pour le voir de plus près, et y établit sa forge, y suspendit ses soufflets.

« Et le forgeron Ilmarinen s’avança vers les lieux déjà foulés par les pieds du loup, dévastés par les griffes de l’ours. Il y découvrit un germe de fer, une semence d’acier.

« Et il dit : « Malheur à toi, ô déplorable fer, à toi qui gis là, dans cet horrible marais, dans cette étroite demeure, exposé, sans cesse, aux pieds du loup, aux griffes de l’ours ! »

« Puis il pensa, il médita profondément : « Qu’adviendra-t-il de ce fer si je le mets au feu, si je le place sur ma forge ? »

« Mais, en entendant raconter les exploits, les mortels exploits du feu, le fer, le pauvre fer frissonna d’épouvante.