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le kalevala

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen arrêta aussitôt son cheval, et il prit la parole, et il dit : « Viens, ô jeune fille, dans mon traîneau ! descends, ô jeune fille, dans mon beau traîneau ! »

La jeune fille dit : « Pourquoi veux-tu m’avoir dans ton traîneau, dans ton beau traîneau ? »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen répondit : « Je veux t’avoir dans mon traîneau, dans mon beau traîneau, pour que tu prépares mes gâteaux de miel, que tu brasses ma bière, que tu chantes sur chaque banc de ma maison, que tu charmes tous ceux qui te verront à ma fenêtre, dans les demeures de Wäinölä, dans les habitations de Kalevala. »

La jeune fille dit : « Hier au soir, lorsque je visitais les champs de matara[1], que je foulais d’un pied léger la plaine d’or, une grive chanta dans le feuillage ; elle chanta l’âme des jeunes filles, l’âme des jeunes femmes.

« Et je dis à l’oiseau : « Ô petite grive, dis-moi quelle est la plus heureuse, quelle la plus enviable, de la jeune fille qui reste dans la maison de son père ou de la femme qui vit sous le toit de son mari.

« Et la petite grive me répondit : « Le jour d’été est brillant, mais plus brillant encore est le sort de la jeune fille ; le fer plongé dans la glace est froid, mais plus froid encore est le sort de la femme ; la jeune fille est dans la maison de son père comme la semence dans une terre féconde ; la femme est sous le toit de son mari comme le chien dans les chaînes ; rarement l’esclave goûte les douceurs de l’amour, la femme jamais. »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen dit : « Les chants de la grive sont vides de sens. Dans la maison de son père, la jeune fille est un enfant ; elle ne devient digne de considération que lorsqu’elle est mariée. Viens, ô jeune fille, dans mon traîneau, dans mon beau traîneau !

  1. Plante tinctoriale. Galium boreale.