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le kalevala

barbe flottait au vent, mais il ne hochait point le menton[1].

La mère de famille de Pohjola lui dit : « Ainsi donc, malheureux vieillard, te voilà, maintenant, sur une terre étrangère ? »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen répondit : « Hélas ! je ne le sais que trop ! Oui, me voilà sur une terre étrangère, dans une région inconnue. J’étais bien mieux dans mon pays, dans ma propre maison ! »

Louhi, la mère de famille de Pohjola, lui dit : « Oserai-je te demander quel homme tu es, et d’où tu es venu, héros ? »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen répondit : « J’ai été assez nommé, j’ai été assez célébré, jadis, comme l’homme de la joie, aux heures du soir, comme le chantre des vallées, dans les bois de Wäinölä, dans les landes de Kalevala. Maintenant, infortuné que je suis, que vais-je devenir ? Je le sais à peine moi-même. »

Louhi, la mère de famille de Pohjola, dit : « Sors de ce vieux bourbier, ô héros, et viens raconter tes malheurs, viens dire les aventures de ta vie. »

Elle arracha le héros à ses pleurs, à ses bruyants sanglots, et le fit asseoir dans son bateau. Puis elle prit place sur le banc des rameurs, se dirigea vers Pohjola, et introduisit l’étranger dans sa maison.

Là, elle rassasia l’affamé, elle fit sécher l’homme mouillé jusqu’à la peau. Puis, elle lui prépara un bain, elle le frotta, le massa, le rappela à la santé, et lui dit : « Pourquoi pleurais-tu, Wäinämöinen, pourquoi gémissais-tu, Uvantolainen[2], dans cet endroit sordide, sur les bords de la mer ? »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen dit : « Je n’ai que trop de raison de pleurer et de gémir. J’ai été si longtemps ballotté par les vagues, sur cette vaste mer, au milieu de ces golfes profonds.

  1. C’est-à-dire il restait silencieux.
  2. Ami de l’onde, surnom de Wäinämöinen.